Vous me demandez mes id�es sur En attendant Godot, dont vous me faites l''''honneur de donner des extraits au Club d''''essai, et en m�me temps mes id�es sur le th��tre.Je n''''ai pas d''''id�es sur le th��tre. Je n''''y connais rien. Je n''''y vais pas. C''''est admissible.Ce qui l''''est sans doute moins, c''''est d''''abord, dans ces conditions, d''''�crire une pi�ce, et ensuite, l''''ayant fait, de ne pas avoir d''''id�es sur elle non plus.C''''est malheureusement mon cas.Il n''''est pas donn� � tous de pouvoir passer du monde qui s''''ouvre sous la page � celui des profits et pertes, et retour, imperturbable, comme entre le turbin et le Caf� du Commerce.Je ne sais pas plus sur cette pi�ce que celui qui arrive � la lire avec attention.Je ne sais pas dans quel esprit je l''''ai �crite.Je ne sais pas plus sur les personnages que ce qu''''ils disent, ce qu''''ils font et ce qui leur arrive. De leur aspect j''''ai d� indiquer le peu que j''''ai pu entrevoir. Les chapeaux melon par exemple.Je ne sais pas qui est Godot. Je ne sais m�me pas, surtout pas, s''''il existe. Et je ne sais pas s''''ils y croient ou non, les deux qui l''''attendent.Les deux autres qui passent vers la fin de chacun des deux actes, �a doit �tre pour rompre la monotonie.Tout ce que j''''ai pu savoir, je l''''ai montr�. Ce n''''est pas beaucoup. Mais �a me suffit, et largement. Je dirai m�me que je me serais content� de moins.Quant � vouloir trouver � tout cela un sens plus large et plus �lev�, � emporter apr�s le spectacle, avec le programme et les esquimaux, je suis incapable d''''en voir l''''int�r�t. Mais ce doit �tre possible.Je n''''y suis plus et je n''''y serai plus jamais. Estragon, Vladimir, Pozzo, Lucky, leur temps et leur espace, je n''''ai pu les conna�tre un peu que tr�s loin du besoin de comprendre. Ils vous doivent des comptes peut-�tre. Qu''''ils se d�brouillent. Sans moi. Eux et moi nous sommes quittes.Samuel Beckett, Lettre � Michel Polac, janvier 1952
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